«Viva l’Italia»
Caméra-stylo, programme n°94 |
Il fut un temps où le cinéma italien était un des meilleurs du monde. De Sica, Rossellini, Visconti, Fellini, Risi, Monicelli, Comencini, autant de noms qui ont surgi dans l’après-guerre et popularisé à la fois des genres tels que le néo-réalisme, la comédie à l’italienne, et des adjectifs comme “fellinien”. Dans les années qui ont suivi, d’autres cinéastes encore plus politiques comme Pasolini, Rosi, Scola ou Bertolucci se sont imposés avec autant de succès sur la scène internationale. Puis le temps a passé. La télévision d’État a été libéralisée, les chaînes ont proliféré, d’innombrables salles obscures ont fermé. C’est le drame de “Cinema Paradiso”: la mort du cinéma devenu supermarché!
Génération télé
Du côté des cinéastes, c’est un peu comme si une génération télé s’était substituée à celle du cinéma. Abondance de productions formatées en téléfilms, variétés comiques de la télé transformées en pseudo-films… Le cinéma italien s’est retrouvé à la fois moribond et orphelin. Les pères ont disparu et les fils ont failli… Á quelques exceptions près! Des opportunistes qui ont su américaniser leur cinéma comme Giuseppe Tornatore. Des solitaires qui se sont imposés à la force du poignet comme Gianni Amelio. Des marginaux venus du théâtre comme Mario Martone. Une star de la télé devenant peu à peu un grand cinéaste comme Roberto Benigni. Et, surtout, un homme, presque seul à défendre une certaine idée du cinéma: Nanni Moretti.
Moretti le résistant
Entre politique et comédie, réalisme et poésie, Moretti s’est peu à peu imposé comme le sauveur du cinéma italien: à la fois acteur, cinéaste, exploitant de salles (les Sacher, à Rome), directeur d’un festival de courts-métrages de jeunes talents et surtout producteur. C’est à travers lui, indubitablement, que toute une nouvelle génération de cinéastes a pu s’affirmer ces dix dernières années. Parmi eux, Mimmo Calopresti est l’un des plus intéressants; depuis “La seconda volta”, Calopresti a appliqué à la fiction son goût pour le documentaire et le respect des autres. Moretti, encore et toujours, vient enfin de remporter un incroyable succès avec son dernier film, magnifique et grave, “La stanza del figlio”, bientôt en compétition à Cannes et présenté en avant-première à Neuchâtel et à La Chaux-de-Fonds. Le mouvement “Moretti” (à Rome) a suscité bien d’autres vocations, qu’elles lui soient ou non liées. À Milan bien sûr, avec notamment Silvio Soldini qui vient aussi de connaître un énorme succès avec “Pane e Tulipani”. Ou encore les Piero Piccioni, Davide Ferrario, Paolo Virzí, Alessandro d’Alatri et autre Marco Tullio Giordana.
Sous perfusion
Malgré les récents succès publics de Soldini, Giordana, Moretti et Benigni, le cinéma italien reste encore sous perfusion. Le public se contente encore trop souvent de sous-produits comiques — en comparaison “Le placard” fait figure de chef-d’œuvre absolu! Encore trop fragile, cette cinématographie autrefois prestigieuse ne peut prétendre à concurrencer l’hégémonie hollywoodienne, contrairement à la France où le cinéma indigène s’impose toujours plus. Mais ça viendra… C’est du moins ce que l’excellente sélection proposée par Passion Cinéma laisse espérer.
Frédéric Maire