«De l’injustice faite aux femmes»
Caméra-stylo, programme n°55 |
En prenant connaissance des films au programme, un lecteur avisé constatera une certaine latitude dans le traitement du thème — seuls «La guerre des Rose», l’époustouflant «Martha» et «L’Ame des guerriers» traitent le sujet de la violence conjugale de manière disons frontale. De fait, ce choix a été complètement voulu par les organisateurs qui ont considéré que la violence conjugale proprement dite ne constitue que la partie cachée de l’iceberg, une très courte séquence d’une superproduction hélas mondiale — que l’on pourrait intituler «de l’injustice faite aux femmes». Les cinq autres films sélectionnés s’efforcent donc et chacun à leur manière de rendre compte de cette injustice qui est bien loin d’être éradiquée, avec pour constante le couple… dans tous ses états! Dans le même mouvement ont été privilégiées des œuvres dépassant le manichéisme ordinaire et dont le ton libre invite à la réflexion.
Une lectrice avisée s’étonnera à raison que sur les dix films présentés, aucun n’ait été réalisé par une femme cinéaste. Comme de bien entendu, cette absence n’a rien de délibéré; elle traduit plutôt un certain état du patrimoine cinématographique défavorable aux femmes. Plutôt deux fois qu’une, les organisateurs auraient souhaité programmer une majorité de films de réalisatrices. Las, ces films ne sont plus disponibles, pour cause de distribution déficiente. D’un autre côté, les «œuvres» au féminin appartenant à la grande Histoire du cinéma ne sortent plus guère de leurs boîtes ou alors se sont volatilisées. Dans le cas contraire, les cinémas du Jura se seraient fait une grande joie de montrer, par exemple, les films de la pionnière Loïs Weber qui, la première, a osé faire valoir son point de vue de femme — «Où sont mes enfants» (1915), «Femmes trop prudentes» (1921), «Le Contrat de mariage» (1926) où cette réalisatrice américaine traite de problèmes quotidiens comme l’éducation des enfants, l’avortement ou le couple (idem pour Ida Lupino ou Dorothy Arzner).
Pourtant cette nouvelle injustice faite aux femmes (cinéastes) ne doit pas nous dissuader de prendre connaissance du point de vue de leurs semblables masculins car ceux-ci ont pour point commun d’avoir réalisé des films qui, à notre sens, prennent fait et cause pour la reconnaissance de leurs droits — Shaji N. Karun, Rainer W. Fassbinder, Robert Altman, Clint Eastwood, etc..
Vincent Adatte