Classe tous risques
Du 29 septembre au 7 novembre, Passion Cinéma présente sept films qui mettent en perspective les différences de classes. Nombre d’événements en présence des cinéastes viennent enrichir ce cycle symptomatique de la lucidité du septième art!
Classe tous risques
Le cycle automnal de Passion Cinéma emprunte son intitulé au titre d’un honnête film policier de Claude Sautet datant de 1960. Impavides, nous nous le sommes appropriés en tordant un peu son sens à des fins ironiques. Terme usuel du jargon des assureurs, cette expression, pour peu qu’on la titille, a le don de réveiller le fantôme assoupi de Karl Marx. En l’estompant via le mirage du kit du succès personnalisé tant vanté par le modèle néo-libéral, les hérauts de la société de classes ont adroitement laissé accroire à l’hypothèse de son évaporation, tout en continuant à ériger l’inégalité comme un fait naturel, propre à l’être humain.
Mauvaises consciences
Aujourd’hui, cette (im)posture est plus difficile à tenir, car toute la misère du monde vient frapper à nos portes cadenassées, suscitant l’embarras des mieux lotis, et peut-être un zeste de mauvaise conscience, qui sait? Pis même, les damnés de la terre pourraient devenir menaçants ou du moins se faire justice en dérobant iPhones et sacs à mains… Bref, la classe dite aisée est devenue une «classe tous risques»!
Gêne universelle
Le cinéma n’a pas son pareil pour restituer ce genre de malaise. Présenté dans le cadre du cycle de Passion Cinéma, un film satirique comme «The Square» du Suédois Ruben Östlund (Palme d’or à Cannes) expose à merveille cette gêne universelle qui frappe les sociétés riches au point de les rendre malheureuses, à l’image de son protagoniste, directeur d’un musée d’art contemporain très huppé, totalement déstabilisé par le vol de son portable. Le constat identique vaut pour le grinçant et paradoxalement vivifiant «Happy End» de l’Autrichien Michael Haneke, qui voit se désintégrer littéralement sous nos yeux une famille bourgeoise de Calais, où s’entassent les réfugiés.
Retour de réel
Il en va de même avec l’indispensable «L’ Atelier», où le Français Laurent Cantet libère la parole parfois inquiétante de jeunes en difficulté qui participent à un atelier d’écriture animé par une romancière à succès très volontariste, mais un brin déconnectée du réel. Idem pour «l’affreux» Polanski qui a toujours su faire son miel de notre culpabilité latente. Quant à Vincent Van Gogh, ressuscité par le biais d’un film d’animation immersif prodigieux, il demeure toujours la figure de l’Autre par excellence…